Ebay et Kelkoo ont fait du search marketing (référencement et liens sponsorisés) un axe de développement prioritaire. Etude de cas.

Début juin 2007, Google le tout puissant tenter d'imposer l'intégration de son système de paiement entre particulier (Google check out) à Ebay. Ce dernier qui propose Paypal, le concurrent directement de Google Check out, refuse bien évidement. Peu habitué à qu'une épreuve de force tourne à son désavantage, Google décide de faire pression sur Ebay via ses partenaires. Durant une semaine consacrée durant laquelle Ebay organise un événement destiné à ses partenaires (Ebay developper days), Google annonce l'organisation d'une soirée (Cry for freedom, Le cri de la liberté) afin de convaincre que ces derniers que l'intégration de Google Check out dans Ebay serait une bonne chose pour eux. La dernière fois qu'Ebay a été la cible d'une manoeuvre aussi aggressive, c'était probablement lorsque le gouvernement chinois a coupé l'accès d'Ebay à tous les internautes chinois, quelques heures avant de convoquer la direction d'Ebay Chine dans un de ses ministères, histoire de bien comprendre les intentions d'Ebay au pays du milieu. Cette manoeuvre avait alors convaincu qu'une collaboration avec le gouvernement chinois était nécessaire. Mais pour puissant qu'il soit, Google impressionne moins Ebay que les officiels de Pékin. En réponse à l'annonce de la Google Cry for freedom Party, Ebay décide de couper l'ensemble des campagnes de liens sponsorisés sur le réseau Google, ce qui se traduit probablement par une perte sêche de chiffre d'affaires pour Google se situant quelque part entre 100 000 et 1 million de dollars par jour. En théorie, le perdant est Google qui vient de perdre, au moins temporairement, un de ses 25 principaux clients au niveau mondial.


Mais cet événement incite les analystes financiers à mettre l'action Ebay sous surveillance car aussi curieusement que cela puisse paraître, Ebay a peut-être plus à perdre que Google dans cette opération. Car le modèle d'Ebay à l'instar de celui de l'européen Kelkoo dépend essentiellement du search marketing. Officiellement, Kelkoo est un moteur de recherche de produits et de services. On pourrait donc croire que son métier est proche de celui de Google: parcourir le web à la recherche de produits, structurer l'information et donner accès à cette information au sein de l'interface la plus conviviable possible. La réalité est plus fine: Kelkoo est un rafineur de trafic. Il parcourt le web à la recherche de clics de recherche ecommerce bon marché, les fait converger vers son site et lorsqu'ils ressortent, ils ont le logo ecommerce et sont tous vendus au prix fort aux boutiques en ligne. Où Kelkoo trouve-t-il des clics de recherche ecommerce bon marché ? Après avoir erré à ses débuts (en 2000, Kelkoo investit dans de couteuses campagnes de communication TV qui offrent alors un retour sur investissement vraissemblablement catastrophique), Kelkoo investit courant 2002 dans des campagnes de liens sponsorisés: la société achète aux régies publicitaires comme Espotting/Miva -qui commercialise alors les liens sponsorisés de Yahoo, MSN et de Voilà- des dizaines de milliers de clics de recherche par mois qui deviennent rapidement des centaines de milliers. A cette époque, Kelkoo achète probablement ses clics « liens sponsorisés » entrants sur Kelkoo.fr à 0,05 ou 0,1 euros en moyenne et les revend entre 0,25 et 0,5 euros lorsqu'ils ressortent vers l'annonceur une fois la visite du site terminé. Kelkoo lance aussi un programme d'affiliation via des plateformes comme Tradedoubler. Là, les sources de clics sont des centaines de sites à moyen ou faible trafic qui ramènent, à eux tous réunis, un trafic non négligeable.


Mais c'est le référencement naturel qui représente la véritable mine d'or de Kelkoo. Parallèlement aux investissement en liens sponsorisés, Kelkoo recrute en interne une équipe de référenceurs s'appuyant pour des opérations plus complexes sur les services d'une agence de référencement. Peu à peu le trafic du site explose: non seulement le référencement s'avère être une source de clic plus puissante en volume que la plupart des autres moyens de promotion mais surtout, elle est infiniment plus rentable. On peut estimer qu'un clic produit par le référencement revient à un prix cinq fois moins élevé que sur les autres techniques de création de trafic, dont l'utilité n'est pas pour autant remise en cause dans la mesure Avec le référencement, Kelkoo récupère du trafic ecommerce compris entre 0,01 et 0,02 par clic. Il le revend entre 0,25 et 0,5 euros. Quelque part, Kelkoo ressemble à une société de trading qui va acheter du sucre brut à 20 euros la tonne en Afrique et qui le revend 20 fois plus cher en Europe. La mane du référencement ne remet pas pour autant en cause les autres sources de trafic de type liens sponsorisés, partenariats et affiliation: ces dernières restent très rentables et surtout contribuent à stabiliser et sécuriser le trafic. Avec la montée en puissance d'un acteur qui possède une position oligopolistique sur le marché (Google) et des régles non officielles de référencement naturel, le trafic référencement naturel peut varier du simple au double en l'espace de trois mois. Cette instabilité ne remet pas en cause l'utilité du référencement mais rend nécessaire le recours à d'autres modes de promotion... en particulier, dans le cas, où un rachat par un concurrent de Google (Yahoo rachète Kelkoo en 2005) amenerait Google à faire reculer le classement de Kelkoo dans ses pages de recherche.


Résumons-nous. Google extrait le pétrole. Kelkoo dirige une raffinerie et contrôle une grosse partie des débouchés ecommerce. En cela, le modèle Kelkoo est proche de celui d'Ebay dont les analystes notaient début juin 2007, son importante dépendance vis à vis de Google. Les deux modèles diffèrent certes de par le positionnement, le packaging, la cible annonceurs et le mode de facturation, mais leur coeur de métier sont très proche: Kelkoo fait converger un trafic ecommerce sur des produits neufs et le revend à des sites d'ecommerce, d'une surface financière relativement importante, en le facturant au clic. Ebay fait converger un trafic ecommerce et le revend à de plus petites et plus nombreuses structures en se rémunérant avec des commissions sur les ventes générées. Aussi, les stratégies des deux sociétés sont proches: achat massif de trafic en liens sponsorisés, affiliation et partenariat, équipes internes de référenceurs experts et in fine, adaptation techniques de la technologie et du contenu de leurs plateformes respectivement pour être totalement optimisées pour le référencement. Il n'est pas possible de comprendre le contenu, l'ergonomie et le netlinking interne de ces deux sites si l'on ne possède pas une connaissance pointue du référencement. Là où le référencement est souvent la dernière chose à laquelle les grands sites d'ecommerce pensent et qu'ils percoivent comme une contrainte forte, Ebay et Kelkoo le considèrent comme une opportunité et l'intégrent au coeur de leur stratégie.


La puissance de la marque Ebay (surtout dans les pays anglosaxxons) fait converger un trafic naturel directement vers le site: en cela, Ebay est devenu producteur de clics ecommerce. Capitaliser sur la marque permet d'être moins dépendant des fournisseurs de clics. Cela est vrai dans une moindre mesure pour Kelkoo qui n'a jamais eu une marque de la puissance de celle d'eBay et dont la fusion dans l'ensemble Yahoo a eu un effet de dilution. De toute façon, tant Ebay que Kelkoo dépendend pour leur développement et leur conquête de nouveaux utilisateurs essentiellement des clics de recherche issus des moteurs. Ces modèles devraient insprirer de nombreuses sites d'ecommerce: en effet, dans le monde réel, le succès de la grande distribution tient à l'achat d'emplacements stratégiques dans la périphérie des villes et à la puissance d'achat dont ils bénéficient afin d'obtenir les marchandises au meilleur prix. Sur internet, les emplacements stratégiques sont les premières pages de recherche des moteurs. On pense souvent que les premières pages de résultats des moteurs sont un plus indispensable dans une stratégie de promotion. C'est une erreur grave: c'est la condition de la rentabilité. En dehors de l'adaptation de l'offre commerciale au marché, le référencement naturel est le facteur qui possède l'effet levier le plus important sur la rentabilité et, en second lieu sur le chiffre d'affaires.


Cela est valable autant que pour les sites de contenu que pour les media en ligne. Une étude sur la relation entre la rentabilité des sites et la place que tient le référencement dans les priorités de la direction générale, mettrait en évidence une corrélation forte entre la qualité du référencement et la rentabilité de la société. Les gagnants de l'ecommerce en France, ne sont pas ceux qui investissent le plus en publicité mais ceux qui tiennent les premières places des moteurs de recherche, notamment en référencement naturel. L'investissement publicitaire possède un effet levier moins puissant que le référencement sur le trafic d'un site. En dehors de la puissance, le référencement naturel est également plus rentable. Un clic issu du référencement naturel revient, selon les secteurs à un prix compris entre 0,01 et 1 euros, tandis que le trafic d'une campagne publicitaire est compris entre 1 et 20 euros. En outre, le clic issu du référencement naturel se concrétise d'avantage en transaction attendu que l'internaute ainsi capté est en phase de recherche active de produit là où la publicité provoque souvent des clics de curiosité, bien utiles pour développer la notoriété d'un produit, mais à l'impact sur les achats beaucoup plus aléatoire.